
En octobre 2024, Louane démentait formellement sa participation à l’Eurovision 2025. L’album Solo venait de sortir, et elle expliquait alors que l’Eurovision n’était pas à l’ordre du jour.
“Pourquoi pas un jour… mais l’album est ma priorité numéro 1.”
(Propos tenus lors d’une conférence de presse en octobre 2024)
Mais parfois, la vie avance autrement, et un rêve peut se glisser là où on ne l’attend pas et quelques mois plus tard, c’est bien elle qui représentera la France à Bâle, en mai 2025. Ce revirement, c’est une surprise douce. Une belle revanche du cœur, et peut-être… un rêve exaucé.
Et si cette année, c’était le cœur qui chantait ?
Louane Eurovision 2025 : une chanson pour toutes les “filles faites comme ça”
Louane représentera la France à l’Eurovision 2025 avec une chanson intitulée maman. Ce mot simple, universel, se charge ici d’une émotion dense. Car cette chanson n’est pas une déclaration. C’est une suite. Un écho. Un miroir tendu dix ans plus tard à une douleur ancienne.
En 2015, Louane chantait déjà Maman. Un morceau brut, poignant, écrit par Yohann Mallory, où elle exprimait sans détour son mal-être et sa quête identitaire. On se souvient de ces paroles bouleversantes :
“J’suis pas bien dans ma tête, maman / J’ai perdu le goût de la fête, maman / Regarde comme ta fille est faite, maman.”
(Extrait des paroles de la chanson « Maman » – 2015)
À l’époque, elle a 18 ans. Orpheline. Bousculée par la vie. Et traversée par un TDAH encore peu médiatisé. Le texte porte une colère douce, une errance, une quête de sens.
Et cette chanson, à l’époque, a touché une génération entière. Parce qu’elle nommait le mal-être, les excès, la confusion intérieure que tant de jeunes femmes vivent sans oser le dire. Elle parlait du désordre émotionnel, de l’errance affective, de cette impression de ne pas être faite pour ce monde. Et ça, ça résonne.
En 2025, la voix a changé, et le message aussi. Louane chante :
“Y a plus d’amants, y a plus de lits / Finalement tu vois, j’ai construit ma vie… / Maintenant c’est moi qu’elle appelle maman.”
(Extrait des paroles de « maman » – 2025)
Ce n’est plus une plainte. C’est un point d’ancrage. Une réponse. Louane n’efface pas ce qu’elle était. Mais elle choisit d’avancer. Et dans les paroles, on sent que la douleur s’est transformée. Elle chante désormais pour sa fille, Esmée, et pour sa mère – là-haut. C’est la même chanson. Mais une autre femme.
Elle nous parle d’évolution, de réconciliation, de maturité aussi. Ce que Louane chante ici, c’est une forme de paix, presque tendre, presque douce. C’est la preuve qu’un cœur blessé peut battre autrement, qu’un désordre intérieur peut devenir une force créative.
France Eurovision : deux chansons, une histoire en miroir
Créer une chanson qui répond à une autre, dix ans plus tard, est un geste artistique rare. Et profondément personnel. Voici un extrait de Maman (2015) :
“Les amants passent de lit en lit / Dans les hôtels, sur les parkings / Pour fuir toute cette mélancolie…”
“J’trouve pas de sens à ma quête, maman.”
(Extraits issus de la chanson « Maman », interprétée par Louane en 2015, paroles de Yohann Mallory)
Et voici maman (2025), sa réponse pleine d’apaisement :
“Et j’ai bien changé, j’ai bien grandi / De toi j’ai gardé tout ce qui fait qui je suis…”
“J’ai trouvé l’amour, indélébile / Tu sais le vrai, toujours, même quand le temps file.”
(Extraits de la chanson « maman » – 2025)
Louane livre ici un double portrait. D’elle, à deux âges différents. D’une fille à sa mère. D’une mère à sa fille. La jeune femme écorchée d’hier a trouvé un espace où respirer.
Et ce que les auditeurs entendent aujourd’hui, c’est un souffle qui inspire.
Ce jeu de miroir entre les deux chansons, c’est aussi une manière de parler du temps. De l’effet du temps sur les blessures, sur la voix, sur la manière de raconter sa propre histoire. Et Louane, dans cette démarche, rejoint ces artistes qui osent revenir sur leurs pas, non pas pour corriger, mais pour embrasser leur parcours.
On entend aussi, en filigrane, une invitation à faire la paix avec soi. À dire : j’ai été cette jeune fille perdue, et je ne l’oublie pas. Mais je suis aussi cette femme debout, cette mère, cette artiste. Il y a un courage immense dans cette façon d’unir les fragments, sans les trier, sans les nier.
Louane TDAH : une femme sans filtre, une artiste sans phare
Louane n’a jamais caché son TDAH. Elle en parle régulièrement dans les médias, dans ses textes, dans ses gestes. Elle explique combien les pensées peuvent se bousculer, combien il est parfois difficile de finir une phrase ou de rester concentrée longtemps. Et pourtant, elle avance.
Dans une interview donnée à France Inter en mars 2025, elle confie :“Je fonctionne comme ça. Les idées se mélangent tout le temps. C’est peut-être pour ça que j’ai choisi de créer. Créer, c’est la seule manière que j’ai trouvée pour poser un peu d’ordre dans ma tête.”
C’est une parole rare, et belle. Parce qu’elle montre que le TDAH n’est pas qu’un obstacle. C’est aussi une manière d’être au monde. De ressentir plus fort. De créer différemment.
“Un TDAH ne guérit pas. Ce n’est pas une maladie. C’est un trouble. Et un TDAH apprend à habiter sa propre tempête.”
(Extrait de son intervention dans un podcast diffusé début 2025)
Cette phrase, elle pourrait être écrite sur un mur. Elle pourrait être dite à une amie. Ou murmurée à une fille. Elle résume si bien ce que vivent tant de personnes – en silence souvent – et que Louane met ici en lumière.
Et si cette parole résonne autant, c’est peut-être parce qu’elle est incarnée. Parce qu’elle n’est pas didactique, ni médicale, ni scolaire. Elle est vécue. Et elle donne une voix à tous ces silences qu’on a trop longtemps camouflés derrière des étiquettes ou des sourires forcés.
Une décision de typographie, un choix de fond
Cette semaine, grâce à 20 Minutes, on a appris que le titre de la chanson maman ne devait pas s’écrire avec une majuscule. Après avoir orthographié Maman avec une capitale encore et encore pendant 15 jours, nous voilà contrits.
C’est bien l’artiste qui a fait le choix assumé d’écrire maman entièrement en minuscules. Et Louane a expliqué les raisons de cette direction lors d’un point presse :
“C’est la direction artistique de mon dernier album solo, et j’avais envie que cette chanson entre dans le thème de ce pour quoi j’ai travaillé toute l’année.”
À y regarder de plus près, les 18 titres de son opus solo, sorti en octobre dernier, se passent tous de majuscules : de la pluie, et si, soleil… Une coquetterie sémantique partagée par de nombreux artistes actuels.
Mais ne vous y trompez pas : maman (2025) n’est pas une chanson au rabais pour Louane. Elle fait écho, et se différencie, de Maman (2015) – en minuscules comme en majuscules. Elle se veut plus lumineuse, plus affirmée. Et pour preuve : Louane y a intégré la voix de sa fille Esmée, 4 ans, à la toute fin du titre, pour prononcer le dernier maman de la chanson. Un moment « incroyable », venu d’un hasard lors d’une session studio improvisée à la maison, a-t-elle confié.
Eurovision 2025 : plus qu’un concours, un tremplin sensible
Cette année, l’Eurovision se tiendra à Bâle, en Suisse. La France est d’office qualifiée pour la finale du 17 mai, mais Louane se produira en direct lors de la demi-finale du 15 mai – une nouveauté historique. Elle passera entre la Géorgie et le Danemark.
Beaucoup viendront avec des shows à effets, des refrains explosifs, des lumières pleines les yeux. Mais Louane, elle, viendra avec autre chose. Un mot. Un regard. Une lettre. Et peut-être que cela suffira.
Dans un entretien accordé à Télérama, elle a confié :
“Je serais ravie de ramener la coupe à la maison, mais ce qui m’importe, c’est d’avoir été là. D’avoir dit ce que j’avais à dire.”
Et c’est peut-être ça, le vrai prix.
Il y a quelque chose d’extrêmement fort dans cette posture : se présenter non pas pour gagner, mais pour exister pleinement, artistiquement. Pour dire une vérité, même intime. C’est presque une forme de militance douce : celle du sensible, du vécu, du silence qui prend la parole.
Louane efface pour mieux écrire : un choix artistique fort
Louane a choisi de supprimer la première version de Maman des plateformes de streaming : Deezer, Spotify, Amazon Music, Apple Music, YouTube… Il ne reste qu’une version en ligne, sur la chaîne YouTube de RTL. C’est une décision rare, surtout quand on parle d’un titre culte. Mais elle l’explique ainsi :
“J’ai mis du temps à aller bien. Aujourd’hui, je veux que le message qui reste pour ma mère soit celui de 2025. Celui qui dit que je vais mieux.”
(Confidences à RTL, avril 2025)
Ce geste, c’est aussi celui d’une femme qui prend le pouvoir sur son récit. Qui choisit ce qu’elle transmet. Qui accepte que certaines douleurs doivent rester dans le passé pour mieux vivre le présent.
Et c’est profondément touchant.
C’est aussi, d’une certaine façon, une manière d’assainir le lien avec les autres. De dire : ce que vous entendrez désormais de moi, ce ne sera pas seulement une blessure. Ce sera aussi une force, une lumière, un héritage transformé.
Conclusion : une Italienne qui vote France à l’Eurovision 2025, pour une fois
Je suis Italienne. L’Eurovision, je l’ai toujours regardé avec un drapeau vert-blanc-rouge dans le cœur. Mais cette fois, je vais te le dire : je suis bouleversée. Parce que cette chanson, ce n’est pas juste une chanson. C’est une traversée. Parce que cette artiste, ce n’est pas juste une voix. C’est une vérité.
Et parce que cette année, la France ne vient pas seulement chanter. Elle vient toucher.
Elle vient avec Louane. Une TDAH assumée. Une maman qui écrit à la sienne. Une femme qui transforme l’intime en universel.
Et moi, je crois que ça, l’Europe ne pourra pas l’ignorer.