Votre enfant autiste refuse catégoriquement de manger certains aliments ? Son répertoire alimentaire se limite à quelques produits spécifiques, toujours les mêmes, préparés exactement de la même façon ? Ces difficultés vont bien au-delà de la simple sélectivité et commencent à impacter sa santé, sa croissance ou sa vie sociale ?
Il souffre peut-être d’un ARFID, un trouble de l’alimentation évitante/restrictive touchant près de 20 % des enfants avec un trouble du spectre de l’autisme. Comprendre le lien entre autisme et ARFID permet d’adopter une approche bienveillante, scientifiquement fondée, et d’accompagner votre enfant sans culpabilité ni pression excessive.
Cet article s’appuie sur les données scientifiques les plus récentes pour éclairer parents, enseignants, AESH et professionnels de santé sur cette problématique complexe mais traitable.
Cet article est informatif et ne remplace pas un avis médical. Consultez toujours un professionnel de santé pour tout diagnostic ou décision concernant l’alimentation de votre enfant.
Sommaire
Qu’est-ce que l’ARFID ? Définition et symptômes
L’ARFID, pour Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder, désigne un trouble de l’alimentation évitante/restrictive reconnu officiellement depuis 2013 dans le DSM-5, le manuel de référence des troubles mentaux publié par l’American Psychiatric Association. Ce diagnostic a remplacé l’ancien « trouble de l’alimentation de la petite enfance ou de l’enfance », offrant une définition plus précise et applicable à tous les âges.
Contrairement à l’anorexie mentale ou à la boulimie, l’ARFID ne s’accompagne d’aucune préoccupation concernant le poids ou l’image corporelle. L’enfant n’évite pas les aliments pour contrôler son apparence ou par peur de grossir. Sa restriction alimentaire découle d’autres mécanismes : une sensibilité sensorielle extrême, une anxiété anticipatoire liée aux repas, ou simplement une absence d’intérêt pour l’acte de manger.
Cette distinction fondamentale oriente vers une prise en charge radicalement différente des troubles alimentaires classiques. Travailler sur l’image corporelle ou les pensées dysfonctionnelles liées au poids n’a ici aucune pertinence.
Le terme orthorexie, qui désigne l’obsession de manger sainement, ne s’applique pas non plus à l’ARFID, où les restrictions ne sont pas guidées par des préoccupations de santé mais par des réactions sensorielles ou anxieuses.
Les trois profils d’ARFID chez l’enfant autiste

Les travaux de Thomas et collaborateurs, publiés en 2017 dans Current Psychiatry Reports, ont identifié trois profils principaux d’ARFID. Un même enfant peut présenter plusieurs de ces profils simultanément, ce qui complexifie parfois le tableau clinique.
Le profil sensoriel
Ce profil constitue le plus fréquent chez les enfants autistes. L’enfant refuse certains aliments en raison de leurs propriétés sensorielles : textures molles, collantes ou granuleuses, odeurs prononcées comme celles des fromages ou des poissons, couleurs jugées désagréables, ou encore températures mal tolérées.
Une étude de Dovey et collaborateurs, parue en 2019 dans European Psychiatry, met en évidence un chevauchement notable entre les profils alimentaires des enfants avec ARFID et ceux avec TSA, avec une hypersensibilité sensorielle particulièrement marquée dans les deux groupes. Les enfants autistes présentent des aberrations plus sévères en matière d’hypersensibilité et de problèmes sociaux, ce qui explique la forte prévalence du profil sensoriel de l’ARFID dans cette population.
Les textures alimentaires posent particulièrement problème : les aliments mous type purée, les textures mixtes comme les yaourts aux fruits, ou les consistances filandreuses déclenchent fréquemment des réactions de rejet intense.
Le profil anxieux
Ce profil se manifeste par une peur intense des conséquences négatives liées à l’alimentation. L’enfant redoute de s’étouffer, de vomir, de ressentir des douleurs abdominales ou de faire une réaction allergique. Cette anxiété peut apparaître après un événement traumatique comme une fausse-route ou une gastro-entérite sévère, ou exister de façon primaire sans déclencheur identifiable. L’enfant limite alors drastiquement son alimentation pour éviter ces situations redoutées. Cette aversion anxieuse peut s’installer très rapidement, parfois après un seul épisode marquant.
Le profil par manque d’intérêt
Ce profil concerne les enfants qui ne ressentent tout simplement pas la faim ou qui trouvent l’acte de manger ennuyeux et contraignant. Ils oublient de manger, doivent être sollicités constamment, et consomment de très petites quantités. Ce profil est souvent lié aux particularités intéroceptives observées dans l’autisme, c’est-à-dire une perception altérée des signaux internes du corps comme la faim ou la satiété.
Les recherches de Cermak et collaborateurs, publiées en 2010 dans le Journal of the American Dietetic Association, documentent ces particularités.
« Mon fils de 7 ans, autiste, ne mange que des pâtes blanches, des chips d’une marque précise et du pain de mie sans croûte. Si les pâtes sont trop cuites ou si je change de marque de chips, c’est la crise assurée. Au début, je pensais qu’il faisait des caprices. Maintenant que je comprends que c’est neurologique, j’ai arrêté de le forcer et on progresse doucement. »
— Maman de Théo, 7 ans
ARFID ou sélectivité alimentaire : comment faire la différence ?
La sélectivité alimentaire touche entre 46 % et 89 % des enfants autistes selon la méta-analyse de Sharp et collaborateurs, publiée en 2013 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders. Il s’agit d’une préférence marquée pour certains aliments, d’un répertoire plus limité que la moyenne, mais qui permet généralement une croissance et un développement satisfaisants. L’enfant accepte un nombre restreint d’aliments, souvent entre dix et trente, mais consomme des quantités suffisantes pour couvrir ses besoins nutritionnels de base.
Cette sélectivité, bien que source d’inquiétude légitime pour les parents, reste dans la norme des variations comportementales observées dans le TSA. Elle ne constitue pas en elle-même un trouble alimentaire nécessitant une prise en charge spécialisée.
L’ARFID franchit un seuil pathologique. Le diagnostic implique une restriction alimentaire si sévère qu’elle entraîne au moins une des conséquences suivantes : une perte de poids significative ou une absence de prise de poids attendue, des carences nutritionnelles importantes nécessitant une supplémentation, une dépendance à des compléments alimentaires oraux ou à une nutrition entérale par sonde, ou encore une altération marquée du fonctionnement psychosocial rendant impossible le fait de manger avec les autres.
La différence fondamentale réside donc dans l’impact fonctionnel. Un enfant avec une sélectivité alimentaire peut maintenir une vie relativement normale malgré ses restrictions. Un enfant avec ARFID voit sa qualité de vie significativement diminuée, sa santé compromise, et son développement entravé.
Les critères diagnostiques du DSM-5 précisent que ce trouble ne doit pas être mieux expliqué par un manque de nourriture disponible, des pratiques culturelles, ou un autre trouble mental comme l’anorexie mentale. Cette distinction est cruciale car elle oriente vers des prises en charge spécifiques.
Pourquoi les enfants autistes sont-ils plus touchés ?

Alors que l’ARFID touche entre 1% et 5% selon les études des enfants neurotypiques selon les données épidémiologiques américaines, entre 8% et 21% des enfants avec TSA répondent aux critères diagnostiques complets. Cette association forte s’explique par plusieurs mécanismes neurobiologiques communs aux deux conditions.
Des hypersensibilités sensorielles omniprésentes
Les recherches publiées dans Frontiers in Psychiatry en 2018 indiquent qu’entre 69 % et 95 % des enfants autistes présentent des particularités sensorielles affectant directement leur rapport à l’alimentation. Leur système nerveux traite différemment les informations sensorielles. Un aliment perçu comme neutre par la majorité peut générer chez eux une réaction de dégoût intense, voire une détresse physique réelle. Cette réactivité n’est pas volontaire : elle est neurologique.
Une recherche de Nadon et collaborateurs, parue en 2011 dans Autism Research and Treatment, a démontré une corrélation directe entre l’intensité des hypersensibilités sensorielles et la sévérité des restrictions alimentaires chez les enfants autistes.
Des rigidités cognitives qui se cristallisent autour des repas
Les rigidités propres au fonctionnement autistique se manifestent également dans le domaine alimentaire. L’enfant peut insister pour manger toujours les mêmes aliments, préparés exactement de la même façon, dans le même ordre, avec les mêmes ustensiles. Toute modification, même minime, peut déclencher une anxiété importante.
Cette néophobie alimentaire, c’est-à-dire la peur des nouveaux aliments, atteint des niveaux bien supérieurs à ce qui s’observe chez les enfants neurotypiques. Plus l’enfant mange de façon restrictive, plus son système digestif et son cerveau s’habituent à cette restriction, rendant l’élargissement alimentaire progressivement plus difficile. Un cercle vicieux s’installe, documenté par Bandini et collaborateurs en 2010 dans le Journal of Pediatrics.
Une surcharge sensorielle et sociale aux repas
Les repas en collectivité, que ce soit à la cantine ou lors des repas de famille, cumulent plusieurs sources de stress pour l’enfant autiste. Le bruit ambiant, les interactions sociales imposées, les regards des autres sur son assiette, les odeurs multiples : tout cela transforme le moment du repas en épreuve sensorielle et sociale épuisante.
L’anxiété élevée, caractéristique fréquente du TSA documentée dans de nombreuses études, amplifie les comportements d’évitement alimentaire. Le repas devient un moment d’hyper-vigilance et de tension plutôt qu’un moment de plaisir et de partage.
Des recherches récentes en neurosciences suggèrent également des anomalies dans les circuits cérébraux de la récompense alimentaire chez certains enfants autistes, diminuant le plaisir associé à l’alimentation et renforçant le désintérêt pour les repas.
« Ma fille refuse tout ce qui est mou ou crémeux. Les yaourts, purées et compotes déclenchent des vomissements immédiats. Elle survit avec une dizaine d’aliments croquants. Le diagnostic d’ARFID nous a soulagés : on n’était pas de mauvais parents, elle avait un vrai trouble qu’on pouvait traiter. »
— Parents de Léa, 9 ans
Conséquences sur la santé et la vie quotidienne
L’ARFID non pris en charge peut avoir des répercussions sérieuses, documentées par la revue systématique de Bourne et collaborateurs, publiée en 2020 dans Psychiatry Research.
Sur le plan nutritionnel
Les carences sont fréquentes et multiples. Le déficit en fer provoque anémie et fatigue chronique. La carence en calcium et vitamine D compromet la solidité osseuse à un âge crucial pour la construction du squelette. Le déficit en zinc ralentit la croissance staturo-pondérale. Les carences en vitamines du groupe B génèrent fatigue et troubles neurologiques. L’insuffisance en protéines affecte le développement musculaire.
Certains enfants présentent une malnutrition protéino-énergétique malgré un accès libre à la nourriture. Selon les données de Zimmer et collaborateurs, publiées en 2012 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders, la diversité alimentaire limitée corrèle directement avec le statut nutritionnel chez les enfants autistes.
Sur le plan de la croissance
La croissance staturo-pondérale peut être compromise. Les courbes de poids et de taille stagnent ou fléchissent. Dans les cas sévères documentés par Lucarelli et collaborateurs en 2017, une hospitalisation avec nutrition entérale par sonde nasogastrique ou gastrostomie devient nécessaire pour assurer la survie de l’enfant.
Sur le plan psychosocial
Les répercussions psychosociales sont tout aussi considérables. L’enfant se trouve exclu des moments conviviaux : goûters d’anniversaire, sorties scolaires avec repas, restaurants familiaux. Cette exclusion renforce l’isolement social déjà présent dans le TSA.
Les parents développent fréquemment une anxiété majeure autour des repas, transformant ces moments en épreuves familiales quotidiennes. Des études récentes soulignent également un risque accru de troubles anxieux comorbides et d’opposition alimentaire qui se généralise progressivement à d’autres domaines de la vie quotidienne.
Signes d’alerte : quand consulter ?

Identifier précocement un ARFID permet d’intervenir avant l’installation de complications graves. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé et les consensus internationaux définissent plusieurs signaux d’alarme.
Sur le plan pondéral
Une perte de poids de 5 % ou plus en quelques semaines doit alerter. De même, l’absence de prise de poids pendant trois à six mois consécutifs alors que l’enfant devrait grandir, ou une cassure visible de la courbe de croissance sur le carnet de santé. Un IMC inférieur au 3ème percentile pour l’âge constitue également un signal préoccupant.
Sur le plan alimentaire
Un répertoire limité à moins de dix aliments différents nécessite une évaluation. Le refus total de catégories alimentaires entières pendant plusieurs semaines (aucun légume, aucune protéine, aucun féculent), l’abandon progressif d’aliments auparavant acceptés, des portions très faibles insuffisantes pour l’âge, ou des repas s’éternisant au-delà de 45 minutes sans résultat constituent également des signaux préoccupants.
Selon les recommandations de l’ANSES, un enfant de 6 ans nécessite environ 1600 calories par jour. Un apport inférieur à 1000 calories doit alerter.
Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de ’alimentation, de l’environnement et du travail
Sur le plan comportemental
Des crises majeures systématiques au moment des repas, une opposition farouche avec réactions de panique face aux nouveaux aliments, des vomissements immédiats face à certaines textures ou odeurs, un refus alimentaire total sur plusieurs repas consécutifs, ou un évitement complet des repas en collectivité doivent vous inciter à consulter.
Sur le plan social
L’isolement lors des moments de repas collectifs, l’impossibilité de participer aux sorties ou événements impliquant l’alimentation, et le retentissement sur la vie familiale avec conflits quotidiens et anxiété parentale majeure constituent des signaux d’alarme supplémentaires.
La présence de plusieurs de ces signes simultanément justifie une consultation rapide auprès du médecin traitant ou du pédiatre.
Parcours de soins recommandé
Face à des difficultés alimentaires persistantes chez un enfant autiste, il est essentiel de consulter rapidement pour obtenir une évaluation professionnelle.
Première étape : le médecin traitant ou le pédiatre
C’est votre premier interlocuteur. Ce professionnel réalise un examen clinique complet, mesure le poids et la taille, les reporte sur les courbes de croissance du carnet de santé, et prescrit si nécessaire un bilan sanguin incluant numération formule sanguine, ferritine sérique, vitamine D, zinc, albumine et protéines totales, ainsi qu’un bilan thyroïdien si nécessaire.
Deuxième étape : l’évaluation spécialisée
Si l’évaluation initiale confirme des difficultés significatives, une orientation vers une équipe spécialisée en troubles alimentaires pédiatriques s’impose. Ces équipes, présentes dans les centres hospitaliers universitaires et certains Centres Ressources Autisme, possèdent l’expertise nécessaire pour diagnostiquer et prendre en charge l’ARFID.
L’évaluation diagnostique complète inclut un entretien détaillé sur l’histoire alimentaire depuis la naissance, un journal alimentaire sur trois à sept jours pour quantifier précisément les apports, des questionnaires standardisés évaluant la sévérité des symptômes comme le Nine Item ARFID Screen, une évaluation du profil sensoriel avec le Profil Sensoriel de Dunn, une évaluation psychologique explorant les dimensions anxieuses, et un examen oro-moteur par orthophoniste si nécessaire.
Troisième étape : la prise en charge pluridisciplinaire
L’ARFID sévère nécessite impérativement une prise en charge coordonnée par plusieurs professionnels.
Le pédiatre ou médecin généraliste assure le suivi de la croissance, prescrit les bilans sanguins de contrôle, coordonne les interventions des autres spécialistes, et peut prescrire des compléments alimentaires adaptés.
Le pédopsychiatre ou psychologue spécialisé en troubles alimentaires évalue les dimensions anxieuses, diagnostique formellement l’ARFID selon les critères DSM-5, et propose une psychothérapie adaptée. Les approches validées scientifiquement incluent la thérapie cognitive-comportementale et la thérapie d’acceptation et d’engagement.
Le diététicien-nutritionniste pédiatrique calcule les apports réels de l’enfant, identifie les carences spécifiques, propose des stratégies d’enrichissement calorique des aliments acceptés, et conseille sur d’éventuels compléments alimentaires adaptés aux enfants.
L’ergothérapeute spécialisé en alimentation travaille sur les aspects sensoriels et moteurs : tolérance progressive aux textures, compétences de mastication, coordination main-bouche, posture pendant les repas, utilisation d’outils sensoriels adaptés.
L’orthophoniste intervient lorsqu’il existe des difficultés de déglutition, une hypersensibilité orale, un réflexe nauséeux exacerbé, ou un retard dans l’acquisition des compétences orales-motrices nécessaires à l’alimentation.
Quand l’hospitalisation est-elle nécessaire ?
Certaines situations nécessitent une hospitalisation en service spécialisé selon les recommandations de la HAS : dénutrition sévère avec perte de poids rapide, déshydratation, refus alimentaire total sur plusieurs jours, échec des interventions ambulatoires malgré plusieurs mois de suivi, carences biologiques majeures mettant en danger la santé, ou retentissement psychologique majeur avec dépression associée.
Les services de pédiatrie spécialisés en nutrition ou les unités de troubles alimentaires pédiatriques proposent des programmes intensifs combinant renutrition médicalisée, psychothérapie quotidienne et rééducation alimentaire progressive.
Ressources et accompagnement en France
Plusieurs structures peuvent accompagner les familles : les Centres Ressources Autisme de chaque région, les Centres Médico-Psychologiques pour enfants, les plateformes de coordination Troubles du NeuroDéveloppement, l’association Autisme France et ses antennes régionales, le GNCRA (Groupement National des Centres Ressources Autisme), et Autisme Info Service au 0 800 71 40 40 (gratuit).
On vous propose la lecture de : L’impact Des écrans Sur Le Sommeil De Nos Enfants – 2025
Dix stratégies concrètes pour accompagner votre enfant
L’accompagnement d’un enfant présentant un ARFID nécessite une approche progressive, respectueuse et bienveillante. Les stratégies suivantes, validées par la recherche clinique, peuvent être mises en œuvre par les parents avec le soutien de professionnels.
1. Diminuer les pressions alimentaires
La pression pour manger, aussi bienveillante soit-elle, aggrave généralement la situation. Des études comportementales démontrent que forcer, supplier, négocier ou récompenser systématiquement pour obtenir que l’enfant mange renforce son opposition et son anxiété alimentaire.
Il est recommandé d’adopter une approche de division des responsabilités développée par la diététicienne Ellyn Satter : l’adulte décide de ce qui est proposé, quand et où, mais l’enfant décide s’il mange et en quelle quantité. Cette répartition claire diminue les conflits et permet à l’enfant de reconnecter avec ses signaux internes de faim et de satiété.
2. Maintenir une régularité des horaires
Proposer des repas et collations à heures fixes, idéalement trois repas et deux à trois collations par jour, structure la journée alimentaire sans pression excessive. L’enfant sait qu’une opportunité de manger se représentera dans quelques heures, ce qui diminue l’anxiété. Éviter le grignotage permanent qui coupe l’appétit et empêche l’enfant de ressentir la faim.
3. Offrir un environnement sensoriel sécurisé
Adapter l’environnement sensoriel des repas améliore significativement la tolérance alimentaire. Réduisez le bruit ambiant en évitant la musique forte ou la télévision. Tamisez l’éclairage si l’enfant est sensible à la lumière vive. Limitez le nombre de personnes présentes lors des repas. Créez un espace calme, prévisible et rassurant.
Utilisez des assiettes compartimentées pour éviter que les aliments se touchent. Proposez des couverts ergonomiques adaptés avec manche épais et texture antidérapante. Installez un tapis antidérapant sous l’assiette pour la stabiliser.
4. Introduire les aliments très progressivement
L’élargissement du répertoire alimentaire suit une progression graduée respectant le rythme de l’enfant. La méthode SOS Approach to Feeding, développée par le Dr Kay Toomey, propose une hiérarchie d’exposition en six étapes : tolérer l’aliment dans la pièce, le voir dans l’assiette même sans y toucher, le toucher avec les doigts, le sentir, le toucher avec les lèvres ou la langue, puis enfin le goûter et le manger.
Cette approche reconnaît que goûter représente l’aboutissement d’un long processus de familiarisation sensorielle. Chaque étape peut nécessiter plusieurs jours ou semaines. Célébrer les petits progrès maintient la motivation sans créer de pression.
5. Proposer les nouveaux aliments aux côtés d’aliments sécurisants
Présenter un nouvel aliment avec des aliments familiers diminue l’anxiété. L’enfant peut choisir de manger uniquement ses aliments préférés tout en s’habituant visuellement à la présence de la nouveauté. Ne jamais retirer les aliments acceptés sous prétexte de forcer à goûter le reste.
6. Utiliser des outils visuels et des supports pédagogiques
Les livres spécialisés sur l’alimentation et l’ARFID, illustrés et conçus pour les enfants, permettent de comprendre et normaliser leurs difficultés. Ces supports psychoéducatifs aident également les fratries à comprendre pourquoi leur frère ou sœur mange différemment.
Les timers visuels de type Time Timer structurent le temps du repas sans pression : l’enfant visualise le temps restant, ce qui le sécurise et évite la sensation que le repas s’éternise indéfiniment.
7. Enrichir discrètement les aliments acceptés
En attendant l’élargissement du répertoire, enrichir caloriquement les aliments que l’enfant accepte évite la dénutrition. Ajoutez de l’huile, du beurre ou de la crème aux plats. Proposez des versions enrichies des aliments préférés. Utilisez des poudres protéinées neutres si recommandées par le diététicien. Privilégiez les versions complètes comme le lait entier plutôt qu’écrémé.
8. Impliquer l’enfant dans la préparation
Toucher et manipuler les aliments en dehors du contexte du repas, lors de la préparation, des courses ou de jeux sensoriels, favorise la familiarisation progressive sans pression de consommation. Cuisiner ensemble, même simplement, constitue une exposition sensorielle douce et ludique.
9. Respecter les particularités sensorielles
Ne pas forcer un enfant à manger un aliment qui déclenche une réaction sensorielle intense. Proposez des alternatives dans la même catégorie : si les carottes cuites sont refusées, tentez les carottes crues, râpées, en bâtonnets ou en jus. Respectez les préférences de température et de présentation.
10. Prendre soin de soi en tant que parent
L’épuisement parental face aux difficultés alimentaires est réel et documenté. Acceptez de l’aide, partagez les repas avec d’autres adultes, consultez un psychologue pour gérer votre propre anxiété, rejoignez des groupes de soutien de parents. Ces stratégies sont essentielles pour tenir sur la durée.
« Après 18 mois de suivi pluridisciplinaire, notre fils est passé de 4 à 15 aliments acceptés. C’est encore limité, mais il n’a plus de carences et peut manger à la cantine avec des aménagements. La clé ? Zéro pression et une équipe formidable qui nous a accompagnés. »
— Papa d’Antoine, 8 ans
Ce qu’il faut retenir
L’ARFID représente un trouble alimentaire sérieux, distinct de la simple sélectivité alimentaire, particulièrement fréquent chez les enfants avec trouble du spectre de l’autisme. Sa reconnaissance précoce permet d’éviter des complications graves sur la santé, la croissance et le développement psychosocial de l’enfant.
Les particularités sensorielles, l’anxiété élevée et les rigidités cognitives propres au TSA expliquent la vulnérabilité accrue de ces enfants aux troubles alimentaires restrictifs. Comprendre ces mécanismes permet d’adopter une approche bienveillante, sans culpabilité, reconnaissant que ces difficultés ne relèvent ni du caprice ni d’un défaut éducatif.
L’accompagnement efficace repose sur plusieurs piliers : la diminution des pressions alimentaires, l’adaptation de l’environnement sensoriel, une progression très graduelle dans l’élargissement du répertoire alimentaire, et surtout une collaboration étroite avec une équipe pluridisciplinaire spécialisée.
Les parents ne sont pas seuls face à ces défis. Des ressources, des professionnels formés et des stratégies validées scientifiquement existent pour aider chaque enfant à développer une relation plus sereine avec l’alimentation, à son rythme, en respectant ses particularités.
La patience, la constance et le soutien professionnel constituent les clés d’une évolution favorable. Chaque petit progrès mérite d’être célébré, chaque jour sans conflit alimentaire représente une victoire. L’objectif n’est pas la normalisation à tout prix, mais le bien-être de l’enfant et une alimentation suffisante pour assurer sa santé et son épanouissement.
FAQ – Questions fréquentes sur l’ARFID et l’autisme
Mon enfant autiste mange seulement 5 aliments, est-ce un ARFID ?
Si sa croissance stagne, s’il présente des carences documentées par prise de sang, ou si cela impacte significativement sa vie sociale, consultez rapidement un pédiatre. Un répertoire inférieur à dix aliments nécessite une évaluation spécialisée pour déterminer s’il s’agit d’un ARFID nécessitant une prise en charge.
L’ARFID peut-il disparaître avec le temps ?
Avec une prise en charge adaptée et précoce, l’ARFID s’améliore progressivement dans la majorité des cas. Le répertoire alimentaire s’élargit graduellement, les carences se corrigent, et l’anxiété liée aux repas diminue. Sans intervention, l’ARFID tend à persister ou même à s’aggraver avec le temps.
Faut-il forcer mon enfant à goûter les nouveaux aliments ?
Non, la pression aggrave l’anxiété et renforce l’opposition alimentaire. Privilégiez l’exposition progressive sans obligation de goûter : présence de l’aliment sur la table, puis dans l’assiette, puis possibilité de le toucher, sans jamais forcer. Le goût viendra naturellement après plusieurs expositions non contraignantes.
Combien de temps faut-il pour voir des progrès ?
L’évolution est très variable selon les enfants. Certains progressent en quelques semaines, d’autres nécessitent plusieurs mois ou années. La constance, la patience et l’accompagnement professionnel sont essentiels. Chaque petit progrès, comme accepter un aliment dans l’assiette ou le toucher, constitue une avancée significative.
Les compléments alimentaires sont-ils obligatoires ?
Ils sont recommandés uniquement en cas de carences avérées documentées par prise de sang. Le diététicien-nutritionniste détermine les besoins spécifiques et prescrit les compléments adaptés. L’objectif reste toujours de diversifier l’alimentation progressivement.
Sources scientifiques
American Psychiatric Association (2013). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (DSM-5). Arlington, VA : American Psychiatric Publishing.
Bandini, L. G., et al. (2010). Food selectivity in children with autism spectrum disorders and typically developing children. Journal of Pediatrics, 157(2), 259-264.
Bourne, L., et al. (2020). Avoidant/restrictive food intake disorder: A systematic scoping review of the current literature. Psychiatry Research, 288, 112961.
Cermak, S. A., et al. (2010). Food selectivity and sensory sensitivity in children with autism spectrum disorders. Journal of the American Dietetic Association, 110(2), 238-246.
Cooney, M., et al. (2018). Clinical and psychological features of children and adolescents diagnosed with avoidant/restrictive food intake disorder in a pediatric tertiary care eating disorder program. Journal of Eating Disorders, 6, 7.
Dovey, T. M., et al. (2019). Eating behaviour, behavioural problems and sensory profiles of children with avoidant/restrictive food intake disorder (ARFID), autistic spectrum disorders or picky eating. European Psychiatry, 61, 56-62.
Haute Autorité de Santé (2018). Trouble du spectre de l’autisme : interventions et parcours de vie. Recommandations de bonne pratique.
Lucarelli, J., et al. (2017). Repetitive behaviours and sensory processing difficulties in children with autism spectrum disorders and food selectivity. Research in Autism Spectrum Disorders, 34, 1-7.
Nadon, G., et al. (2011). Association of sensory processing and eating problems in children with autism spectrum disorders. Autism Research and Treatment, 2011, 541926.
Sharp, W. G., et al. (2013). Feeding problems and nutrient intake in children with autism spectrum disorders: A meta-analysis and comprehensive review of the literature. Journal of Autism and Developmental Disorders, 43(9), 2159-2173.
Thomas, J. J., et al. (2017). Avoidant/restrictive food intake disorder: a three-dimensional model of neurobiology with implications for etiology and treatment. Current Psychiatry Reports, 19(8), 54.
Zimmer, M. H., et al. (2012). Food variety as a predictor of nutritional status among children with autism. Journal of Autism and Developmental Disorders, 42(4), 549-556.
Ressources françaises :
- ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) – Recommandations nutritionnelles pédiatriques
- Centres Ressources Autisme (CRA) – Réseau national coordonné par le GNCRA
- Autisme Info Service – Plateforme nationale d’écoute et d’information : 0 800 71 40 40



